Observation animalière, extraits d'interviews:
D’où vient votre intérêt pour l’art animalier?
« L’enfance est assurément le moment privilégié de l’observation des animaux. Premières amours et cruautés enfantines, premières frayeurs aussi : dans le lieu champêtre de mes jeunes années, le cagibi du haut était peuplé de chats sauvages naturalisés, le canapé du vestibule était recouvert d’une peau de loup, gueule ouverte ; le crépuscule apportait ses chauve-souris, ses blanches effraies, ses hulottes plaintives ; les vieux arbres, au couchant, se faisaient dragons, licornes, fantômes et autres gnômes ; le sentier d’à côté était lointain voyage au péril de panthères affamées !.. Autant d’animaux que ma main malhabile transcrivait sur des carnets que je garde encore.
J’ai conservé de ces jeunes années un goût insatiable des beautés de la nature.
Encore enfant, j’ai reçu initiation et premières couleurs de ma grand-mère peintre, elle-même issue d’une longue lignée d’artistes.
Son grand chevalet qui grince est désormais ma madeleine de Proust.
Puis quand vint l’âge de peindre, je fus définitivement marqué par quelques peintures animalières notoires, le lièvre de Dürer, le bouvreuil d’Oudry, les bœufs de Rosa Bonheur, la pie de Monet…
Dans une époque où la laideur prend tant de place, par ignorance, par snobisme, par paresse ou par économie, l’observation des animaux, de leur beauté et de leur comportement, est un plaisir apaisant sans cesse renouvelé.
Les oiseaux, en particulier, représentent pour moi l’image de l’Eden perdu et le symbole de la sérénité.
Or ma quête est bien celle de la « Beauté » sublimée, signifiante, voire curative ; la Beauté nous élève ! Ma devise originale « Le laid nuit gravement à la santé », traduit bien cette constante obstination.
La réalité ne m’intéresse pas tant pour elle-même que pour la sublimation esthétique personnelle à laquelle elle doit donner lieu ; la femme devient déesse inatteignable, la mésange est lutin bleu, le sanglier indomptable Centaure…
« Un temps chasseur, surtout en approche solitaire, ma caméra a depuis longtemps remplacé mon fusil, définitivement.
En général, le chasseur ne connaît qu’un animal en fuite, l’observateur le voit vivre, parfois intensément ; cette différence est absolument essentielle dans mon choix, ajoutée au plaisir de partager son beau film rare avec un large public (chaîne YouTube « Arnaud MEZ »)
Je ne compte plus mes patients affûts aux rives des fleuves et des mares, au cœur des forêts et au bord des marais.
Quels sont les animaux que vous préférez peindre et pourquoi ?
« Je suis fasciné par les oiseaux, grands et petits, dont la fragilité m’inspire infiniment. Leur extrême variété de formes et de couleurs est un enchantement pour le peintre qui peut y puiser une inspiration sans fin pour des compositions de tous styles.
Chaque année, je tente de faire la connaissance d’un nouvel oiseau que j’ignore : après mes quêtes réussies de la pie grièche écorcheur, du gorge-bleue et du balbuzard pêcheur, je serais heureux d'échanger quelques mots avec le loriot, l’engoulevent et le torcol fourmilier!
Bien peindre les animaux, c’est d’abord bien les connaître et bien les aimer.
Le cheval aussi est fréquemment présent dans mes toiles, mais souvent en faire-valoir de la cavalière qui m’inspire car mon goût pour le portrait humain l’emporte parfois, au point que le cheval, tronqué, devient un support, un décor. »
Quels sont les mammifères que vous souhaiteriez découvrir un jour pour pouvoir les peindre?
« Récemment, après d’innombrables et vaines tentatives, j’ai pu observer et filmer des blaireaux à quelques mètres et suivre pendant des heures entières leur promenade matinale.
Exit le blaireau... alors mes arlésiennes sont à ce jour le putois, la loutre, le castor, la genette et le chien viverrin... Non pas que leur esthétique soit à ce point sublime mais l’attrait de la découverte démultiplie l’inspiration et la créativité.
Chaque année, en septembre, je recherche un nouveau territoire conjuguant étangs, prés et forêts pour y observer en un même lieu cerfs au brâme, huppes et grèbes, lièvres et sangliers, tritons et salamandres… »
Quant à la conception artistique, quelles sont vos techniques de prédilection ?
« L’œuvre d’art animalier suit 3 phases : observation, inspiration, exécution.
Caméra ou carnet en main, je passe des heures innombrables à attendre, écouter, approcher, observer. Mais l’esprit reste libre et compose déjà son œuvre.
Puis, dans la solitude de l’atelier, vient la réalisation technique.
L’observation attentive du modèle est essentielle tant pour une représentation naturaliste que pour une interprétation personnelle et le « rendu » anatomique de chaque animal nécessite des compétences techniques acquises au fil des années d’étude et de pratique.
Même dans une toile particulièrement figurative, je m’attache à y ajouter une sorte de sublimation personnelle : le traitement abstrait du décor, la couleur du support et sa sauvegarde partielle, le traitement suggestif de telle partie du corps, la traduction hypnotique du regard…
Quant à la technique choisie, de l’huile, l’acrylique, l’aquarelle, le pastel…, c’est ce dernier, avec aussi la tempéra, qui a ma préférence. Il conjugue les généreuses épaisseurs de la peinture à l’huile et la luminosité de l’aquarelle en donnant aux couleurs un éclat unique et durable avec un matériau simple, travaillé au doigt, sans outil, en prolongement immédiat de la main du peintre.
Après le tracé d'un dessin, suggéré ou minutieux, et souvent magnifié, j’use de la « matière » comme un graveur parfois, à la hachure et au trait, ou bien comme un modeleur, en mêlant de doux aplats aux fermes rugosités, accroissant ainsi la réfraction lumineuse et la variété des textures.
Mais les servitudes d’encadrement et les réticences des galeristes modèrent un peu l’usage de ce médium.
Cette technique, d’usage simple, est celle que j’enseigne aux jeunes élèves de mes ateliers d’art animalier et aux adultes en stages de portrait. »
Voulez-vous nous confier vos rêves artistiques?
« A mes rêves déjà exaucés, j’ajouterai ceux-ci :
- avoir été l’auteur du « Radeau de la Méduse »
- visiter « l’Ile aux Morts » imaginaire du peintre Böcklin
- peindre 8 jours, dans une barque,
Venise vu de la lagune
- peindre en un lieu rassemblant les ocres de Corot, les ciels de Bonington, les saules de Constable et les reflets de Sargent
- avoir une conversation avec Elisabeth Vigée-Lebrun
- être l’élève assidu de Rosa Bonheur à Thomery
Votre devise ?
- « Le laid nuit gravement à la santé »
- et, pour sourire: « Tout ce qui m’émeut me meut ! »
Vos définitions ?
- « La peinture, c’est des rires et des larmes… en couleurs »
- « L’art c’est l’intemporel, le « nouveau » passe très vite ! «
- « Est-ce de l’art?.. Se dit-on souvent!.. Si c’en est...
il est comme une jolie femme dans la rue, on se retourne...
Ainsi le reconnait-on."
Votre irritation ?
« Ce que les Trissotins prennent pour de la « modernité » est bien souvent de l’incompétence. »
Quels sont les commentaires qui vous ont le plus touché ?
« Vos œuvres touchent à la fois l’œil et le cœur ».
- l'analyse d’un critique d’art :
« Dans les tableaux d’Arnaud de Mézerac, une paix et une
lumière imprègnent l’âme, cette sorte de quiétude, de simplicité
et de beauté dont nous avons profondément besoin ».